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David Ross, CFA, gérant actions internationales, La Financière de l’Échiquier.

Au cours des 100 premiers jours de son second mandat, Donald Trump a orchestré une série de volte-face politiques sauvages qui ont déstabilisé les marchés et créé un climat d’incertitude. En effaçant tout sentiment de normalité, le président affaiblit la réputation de l’Amérique en tant que terrain d’investissement digne de confiance – ainsi que l’attrait des bons du Trésor américain en tant que valeur refuge. Les investisseurs devront faire preuve d’une grande stabilité pour naviguer dans ce nouveau contexte. 

Au lendemain de la réélection de Donald Trump, l’évidence s’est imposée : la normalité a vécu. Son entourage a évolué. Si lors de son premier mandat, il s’appuyait sur des Républicains à l’ancienne, aujourd’hui, avec Elon Musk ou Peter Navarro qui lui murmurent à l’oreille, plus rien ne devrait l’arrêter.

Incertitude politique & hausse des primes de risque

Les premiers jours qui ont suivi l’élection, certains investisseurs se sont accrochés à l’espoir d’un programme trumpien favorable au commerce, tablant sur une baisse des impôts et une diminution de la réglementation. Il était tentant de croire encore à l’exceptionnalisme américain. Une fois que les droits de douane ont frappé, beaucoup ont été contraints réévaluer leurs positions.

Depuis le « Libération Day », les marchés ont commencé à évaluer le risque d’une politique erratique. L’une des forces de l’économie américaine ces 30 dernières années a été sa stabilité, exempte de grands changements de politiques. Aujourd’hui, l’exceptionnalisme américain n’est plus.

Le dollar américain est tombé à son plus bas niveau depuis 2022 en avril [1], et l’or a gagné près de 25% depuis le début de l’année. Un tel niveau d’incertitude est inédit pour le marché américain : historiquement, les politiques du pays ont été relativement stables, protégées par un système des freins et contrepoids. L’avalanche de décrets de Trump, sa volonté de contourner le Congrès et ses attaques contre la Réserve fédérale ont tout rendu plus risqué.

Le dilemme de l’investisseur : réagir ou ne pas réagir

Le retour de Trump a notamment rendu le travail d’un gérant de fonds bien plus délicat. Dans une perspective de long terme, nous cherchons à réanalyser les positions en fonction de la rentabilité et de l’impact potentiel des droits de douane au cours des prochaines années. À court terme, la politique étant susceptible de changer d’heure en heure, il est impossible de procéder à une analyse pertinente. Nous ne pouvons que deviner, et les suppositions ne sauraient suffire pour prendre des décisions d’investissement judicieuses.

Il y a quelques mois encore, nous étions dans un marché haussier, où les investisseurs « achètent le creux de la vague ». Mais la hausse des primes de risque sur les actifs américains a modifié le sentiment du marché. Nous nous trouvons désormais dans un scénario de marché baissier, dont l’état d’esprit peut se résumer par « vendre la chute ».

Au cours des dernières semaines, le S&P 500 a tenté à plusieurs reprises de franchir les 5 400 points. Aujourd’hui, nous fixons ce niveau comme nouveau plafond. Et comme les plus grands rallyes se produisent sur les marchés baissiers, le conseil que je donne à mon équipe est simple : ne vous affolez pas, soyez très prudents.

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain

Un environnement d’investissement complexe reste intéressant pour un investisseur, d’autant que les tarifs douaniers rendent certaines entreprises plus attrayantes. Microsoft, par exemple, ne sera pas vraiment impacté par les droits de douane ; Amazon reste aussi une opportunité à long terme : si près de la moitié de ses vendeurs sont chinois, [2] son expertise logistique inégalée et son réseau de classe mondiale devraient lui permettre de gagner des parts de marché sur le long terme. En revanche, les entreprises industrielles sont, quant à elles, soumises à une pression immédiate pour réduire les coûts, ce qui pourrait avoir un impact sur leur rentabilité à long terme.

Réduire les attentes en matière de croissance

Depuis janvier, Donald Trump a usé et abusé de la stratégie du « ballon d’essai » : annoncer une nouvelle politique radicale, observer les réactions, puis décider de ce qu’il faut faire. On l’a vu avec les droits de douane, mis en pause pour trois mois, ainsi qu’avec ses attaques contre Jerome Powell, le président de la Fed, qui a rétropédalé face aux réactions.

Au cours des prochains mois, les marchés feront selon nous preuve de plus de discernement et apprendront à distinguer les véritables politiques des distractions. Trump est un maître de la diversion, et les investisseurs se rendront compte de la nécessité de prendre du recul, de résister à la tentation de réagir à chaque gros titre. Car sa première action est rarement la dernière. 

En ce qui concerne les entreprises, elles devront sans doute suspendre leurs dépenses d’investissement, et les investisseurs devront tenir compte de l’impact sur la croissance américaine, et tempérer leurs attentes en matière de croissance américaine et, par extension, de la croissance mondiale.

Si Donald Trump ne doit pas être pris au pied de la lettre, il doit être pris au sérieux. Les investisseurs doivent se préparer à quatre années de décrets – un environnement riche en opportunités potentielles, mais où la prudence sera clé.

[1] Le dollar américain tombe à son plus bas niveau depuis trois ans alors que les menaces de Trump sur Powell entament encore plus la confiance des investisseurs, CNBC

[2] Les vendeurs chinois demandent à Amazon d’augmenter leurs prix ou de quitter les États-Unis en raison de la montée en flèche des droits de douane, Reuters

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