Philippe Lomné, Gestionnaire Obligataire Spécialisation : Crédit IG & Crossover & Jérôme Loire, Analyste crédit , Rothschild & Co Asset Management.
Classe d’actifs singulière et moteur de performance historique de notre gestion obligataire, les obligations subordonnées financières présentent des caractéristiques particulièrement attrayantes dans le contexte actuel.
Des fondamentaux solides pour des acteurs très réglementés
En examinant les niveaux de valorisation et les fondamentaux, nous avons la conviction que les subordonnées financières constituent un segment de marché à privilégier. À notation équivalente, ces titres offrent un surplus de rendement comparés à ceux émanant d’autres secteurs et, depuis deux ans, nous constatons une nette surperformance. Nous sommes convaincus que la fenêtre d’opportunité est particulièrement intéressante, notamment au regard des niveaux de volatilité. Nous cherchons à capter cette volatilité car nous sommes confiants au regard des fondamentaux des émetteurs.
En Europe particulièrement, ces derniers sont sains. Les établissements mettent en place des programmes de rachat d’actions, la rentabilité est là, les niveaux de solvabilité sont bons et les acteurs sont en capacité d’encaisser un choc récessif. De plus, contrairement au contexte antérieur à la dernière grande crise financière, désormais, les banques européennes ne disposent plus de participation croisée, ce qui limite le risque de dépréciation en cas de faillite d’un acteur. De même, pour parer au risque de liquidité et de contrepartie, les principales banques centrales mondiales disposent d’accords de swap 1 illimités pour faire face à un assèchement des marchés, notamment l’euro-dollar.
Une solvabilité élevée et une rentabilité retrouvée en Europe
Tous les deux ans, la BCE réalise des Stress Test pour évaluer le niveau de préparation et de résistance des banques en cas de choc financier et économique. En juillet 2023, suite à la faillite de Credit Suisse l’institution a rehaussé ses hypothèses de stress déjà élevées : doublement du taux de chômage, récession durant deux années successives, baisse du prix de l’immobilier commercial et résidentiel, choc sur les taux, sur les spreads 2 de crédit… À l’issue de ces tests, aucune augmentation de capital n’a été jugée nécessaire au regard du scénario le plus pessimiste. Que ce soit en matière de solvabilité, de rentabilité ou de liquidité, les fondamentaux du système bancaire européen n’ont jamais été aussi solides.
Par ailleurs, ce dernier offre de la visibilité sur sa rentabilité opérationnelle et nette, et bat les estimations du consensus trimestre après trimestre. Les pays « périphériques » opèrent même un « retour en grâce », notamment les banques d’Europe du Sud. L’assainissement de leurs créances douteuses a également favorisé une reprise des consolidations dans le secteur.
Des facteurs de risques actuellement sous contrôle aux États-Unis
Aux États-Unis, le retour au pouvoir de Donald Trump laissait craindre un risque de déréglementation du secteur financier, mais la nomination de Michelle Bowman, considérée comme modérée, en tant que Vice Présidente de la Fed en charge de la supervision bancaire, est venue tempérer ces craintes.
Au grand désarroi de l’actuel président américain, la Banque centrale américaine se montre, par ailleurs, très prudente en matière de politique monétaire, laissant planer un risque de taux sur les marchés obligataires. Jérôme Powell indiquait encore il y a peu que l’inflation pourrait être plus persistante et qu’une hausse des taux ne serait pas à exclure. Les anticipations en faveur d’une politique monétaire plus accommodante ont même reculé au cours des dernières semaines.
Bien que le cas Silicon Valley Bank soit encore dans les esprits, le risque de faillite lié à une hausse des taux fait l’objet d’une surveillance accrue. La Fed a tiré les conclusions de cet événement et a mis en place des dispositifs afin d’y contrevenir. Le Bank Term Funding Program lui permet désormais de racheter au pair les titres qui auraient été déprécié en raison du risque de taux. Le risque de fuite des dépôts nous semble également limité et cantonné essentiellement aux « petites » banques régionales.
Un univers d’investissement permettant d’exprimer ses convictions
Au-delà des seuls acteurs bancaires, l’univers des obligations subordonnées financières est large et diversifié. Parmi les sous-secteurs qui le compose, nous accordons une attention particulière aux assureurs tant cotés, que mutualistes. Leur niveau de rentabilité est intéressant, même s’il est moins élevé que pour le secteur bancaire, et ces acteurs affichent une très bonne solvabilité. Les opportunités d’investissement sont nombreuses notamment au travers des refinancements.
Le marché des obligations contingentes convertibles (CoCos) 3est également en croissance et nous sommes désormais loin d’un marché de niche. Ce segment est suffisamment large pour exprimer des convictions. Il y a une forte demande des investisseurs, le marché est dynamique et les émissions sont nombreuses et importantes en taille. Ces titres offrent un portage excédentaire par rapport au obligations High Yield 4 pour des fondamentaux très confortables avec des émetteurs profitant généralement de notations supérieures. Nous pensons qu’il est tout à fait opportun de s’y exposer actuellement.
Une savoir-faire au cœur de notre gestion obligataire
L’ensemble de ces éléments font des obligations subordonnées financières une classe d’actifs à considérer, à plus forte raison dans le contexte actuel. La volatilité qui devrait continuer à animer les marchés sera source d’opportunités. Toutefois, si ces titres offrent toujours une prime intéressante, il devient nécessaire d’être sélectif au sein de la structure de capital.
Nous disposons d’une expertise de longue date dans l’analyse et la gestion de ce type d’obligations. Elles occupent historiquement une place importante dans l’allocation de la plupart de nos stratégies obligataires, à titre d’exemple, elles représentent la moitié de l’allocation de notre fonds flagship R-co Conviction Credit Euro. Fin 2021, nous avons lancé R-co Conviction Subfin, une solution exclusivement investie dans ce segment de marché. Bien plus qu’une simple brique de diversification, cette solution d’investissement permet de bénéficier d’une exposition directe à l’un des principaux moteurs de performance de notre gestion crédit.
(1) Produit dérivé financier, les swaps sont des contrats conclus entre deux parties visant à échanger des flux financiers contre d’autres flux sur une période donnée.
(2) Écart de rendement entre une obligation et un emprunt de maturité équivalente considéré comme « sans risque ».
(3) À mi chemin entre action et obligation, leurs caractéristiques sont similaires à celles des obligations convertibles. Ces titres sont émis par des banques pour renforcer leurs fonds propres. Elles peuvent être convertis en actions dès que le taux de capitaux propres passent sous un seuil défini et constituent ainsi un coussin de sécurité en cas de stress financier. En raison d’un risque de perte plus élevée lié à leur potentielle conversion, elles offrent des rendement supérieurs aux obligations « classiques ».
(4) Les obligations “High Yield” (ou à haut rendement) sont émises par des entreprises ou États présentant un risque crédit élevé. Leur notation financière est inférieure à BBB- selon l’échelle de Standard & Poor’s.