Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.
Les actions ont quasiment effacé les pertes liées au « Jour de la Libération ». Les optimistes considèrent que la correction printanière était une pause similaire à celle de 2018 dans un marché structurellement haussier. Pour les pessimistes, le marché haussier s’est terminé en février, après une progression de 76% sur 30 mois – une performance et une durée similaires à celles des précédents bull market. Seule différence notable, le niveau de concentration était anormalement élevé du marché. Maintenant, une nouvelle phase, plus incertaine, s’est ouverte.
Difficile de trancher entre ces deux positions. Il faudra certainement plusieurs semaines voire plusieurs mois avant de savoir où nous ne sommes réellement. Cela va dépendre de quatre facteurs : le retour des institutionnels sur les actions, la baisse des tensions commerciales, la fin de la vente des actifs en dollar – qui est essentiellement un phénomène européen – et une meilleure visibilité concernant la politique monétaire américaine.
À ce sujet, la réunion de la Réserve Fédérale américaine (Fed) n’a pas permis de lever l’incertitude. En cause, la difficulté à faire des prévisions fiables. Prenons l’inflation liée aux taxes douanières. Évidemment, elle va se diffuser dans l’économie. Mais ce ne sera pas linéaire. La baisse de l’activité économique va entraîner automatiquement une baisse des pressions inflationnistes. Lorsque ce sera possible, le consommateur américain va se replier sur des substituts locaux, y compris dans les services. En outre, il faut compter avec les effets non anticipés du protectionnisme. Ils sont déjà apparents. On observe en avril une baisse du prix des billets d’avion (-5,2% sur un an), des chambres d’hôtels (-3,7%) et de l’essence (-9,8%). C’est lié à l’effondrement du tourisme étranger aux États-Unis. Cela devrait s’intensifier cet été. Enfin, il faut prendre en considération la baisse des loyers qui se poursuit et tend à réduire les pressions inflationnistes. Bref, il est difficile de dire que le protectionnisme rime systématiquement avec un regain brutal de l’inflation. C’est justement ce qui complique la tâche de la Fed.
Pour l’instant, le marché monétaire anticipe toujours une baisse des taux de 25 points de base en juin. Ce n’est en rien garanti. Il faudra certainement encore trois à quatre mois avant d’être en mesure d’estimer avec plus de certitude l’impact réel des taxes douanières déjà mises en œuvre, et de celles qui pourraient l’être une fois que le moratoire de 90 jours aura expiré au début du mois de juillet. La Fed a donc tout intérêt à prendre son temps et à opérer une baisse du loyer de l’argent au plus tôt en juillet. Seule une hausse importante du taux de chômage d’ici l’été, autour de 4,5%, pourrait l’inciter à accélérer la baisse des taux. Nous en sommes loin puisque le taux de chômage est à 4,0% et les créations d’emplois sont solides.
Le maître-mot du mois de mai : patience.
À surveiller
- Les prix à la consommation et à la production américains en avril afin de juger l’évolution de l’inflation. Ce sera précieux pour la Fed.
- L’indice manufacturier de la Fed de Philadelphie pour le mois de mai. C’est d’habitude un indicateur mineur avec peu d’influence sur le marché. Mais la Fed a récemment publié une étude démontrant que c’est une statistique qui permet de déceler avec rapidité les retournements du cycle. C’est très utile pour savoir si l’économie américaine se dirige vers une récession ou un ralentissement économique.
Vous ne l’avez pas lu dans la presse
Selon le rapport d’Ember, en mars 2025, les combustibles fossiles ont fourni moins de la moitié de l’électricité américaine pour la première fois en raison de la montée en flèche des capacités renouvelables et au déclin du charbon. Peu importe les positions personnelles de Donald Trump, la transition énergétique a bien lieu aux États-Unis.
Toutes les données sont en date du 07 mai 2025, source Bloomberg.