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Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.

Un proverbe japonais nous rappelle avec sagesse que nous ne vieillissons pas tant que nous apprenons. Nous ne risquons donc pas de prendre de l’âge tant nous avons encore à apprendre du mode de fonctionnement du président américain dans son deuxième mandat ! Mais cette cure de jouvence a un prix, celui de records en tous genres sur fond de dislocation de marché depuis le désormais fameux « jour de la libération ».

Au-delà de volumes journaliers record sur le marché action américain (28,7 milliards de titres le 7 avril) et le plus gros retournement à la baisse intraday le 8 avril, c’est probablement la décorrélation entre le dollar et le rendement de l’obligation d’Etat à 30 ans qui a fait fléchir la posture idéologique de l’administration américaine. Mais cette reculade tardive a laissé des traces : alors que les investisseurs étaient unanimement convaincus par l’exceptionnalisme américain en fin d’année dernière, celui-ci a laissé place à un pessimisme flagrant : en effet, les investisseurs sont désormais 49% à anticiper un hard landing si l’on en croit le dernier sondage de Bank of America.

Sans surprise, l’or a détrôné les Mag7 comme vecteur d’investissement le plus consensuel. Et la classe d’actif des obligations d’entreprises, qui avait bénéficié de flux massifs en 2024 a subi récemment des dégagements brutaux : les flux cumulés sur les 4 dernières semaines s’élèvent à environ 30 milliards de dollars de ventes sur le segment Investment Grade** global et 14 milliards sur le High Yield (selon les chiffres EPFR). Dès lors une question s’impose : est-ce que l’ajustement des anticipations et du positionnement des investisseurs offrent des opportunités d’investissement ?

Aborder le crédit sous l’angle des spreads permet d’adresser cette interrogation. En effet, ils permettent de juger de la valorisation de cette classe d’actif. À ce titre, le constat est encourageant : alors que le spread du crédit IG avait atteint un point bas en mars à un niveau proche de 80bp, la période de volatilité récente a provoqué sans surprise un écartement pour le ramener à environ 110bp (contre fourchette historique 73 /247bp).

Si l’on regarde en détail par niveau de notation, l’écart de prime entre les émetteurs les mieux et les moins bien notés s’est logiquement accru. C’est notamment le cas entre les ratings BB (un des segments les plus chers du marché du crédit) et BBB pour lesquels le phénomène de décompression a porté l’écart à 120bp.

L’analyse par secteur permet aussi de mettre en avant la valorisation relative : le segment des dettes bancaires senior a été impacté par l’épisode récent de volatilité, en raison de la corrélation historique du secteur avec le cycle économique (via la remontée potentielle des prêts non performants). Mais l’amélioration structurelle des coefficients d’exploitation et des niveaux de capitalisation, couplée à la sous-performance récente, rend ce segment de nouveau pertinent.

Plus généralement, le rendement de 3,3% offert par la catégorie IG** est attractif pour les stratégies de portage mais aussi dans le cadre de la diversification des risques au sein des portefeuilles. Ce rendement l’est d’autant plus dans la perspective d’une poursuite de la baisse des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne, avec comme toile de fond un Euro fort et une baisse du pétrole (-15% en avril). Pour rappel, les marchés anticipent un taux terminal de 1,5% en Zone Euro à fin 2025.

Seul un scénario de récession serait véritablement défavorable à la classe d’actif en raison de la remontée des taux de défaut. Mais les annonces récentes du secrétaire au Trésor américain vont plutôt dans le sens d’une désescalade justement pour éviter ce scénario. Si celui-ci venait à se concrétiser, la récession ne devrait pas être d’ampleur significative en raison de l’absence de grands déséquilibres, notamment concernant l’endettement des ménages … et des entreprises***.

*Ecart de rendement entre une obligation d’entreprise et le taux d’Etat ;

**Investment Grade : entreprise de qualité

***2,6x dette nette/EBITA pour le gisement IG américain et 2,2x pour le gisement IG européen.

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