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Prof. Dr. Jan Viebig Global Co directeur des investissements, ODDO BHF AM.

Ces dernières années, les marchés financiers ont dû faire face à une succession d’événements extraordinaires. Nous souhaitons exposer notre point de vue sur les questions centrales que les investisseurs nous posent fréquemment.

1. Quelle sera l’évolution des taux d’intérêt ?

L’inflation est plus persistante que ne le prévoyaient les économistes il y a quelques mois. Il est vrai qu’après un pic de 10,6 % en octobre 2022, la hausse des prix à la consommation dans la zone euro est retombée à 6,1 % en mai 2023 (données préliminaires). Malgré ce recul, l’inflation reste bien supérieure à l’objectif de 2 % fixé par la BCE. Les indications des marchés financiers basées sur les swaps d’inflation suggèrent que les acteurs du marché s’attendent à ce que le taux d’inflation dans la zone euro ne descende pas en dessous de 3 % avant le printemps 2024. Toutefois, la baisse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires a atténué l’inflation globale, même si le taux d’inflation de base – qui exclut les prix volatils de l’énergie, des denrées alimentaires, du tabac et de l’alcool – reste inconfortablement élevé à 5,3 % en mai 2023 (données préliminaires) dans la zone euro. Nous constatons actuellement des effets de second tour : les revendications salariales augmentent et les prix élevés de l’énergie du passé font grimper les prix de certains produits non énergétiques.

Pour toutes ces raisons, la BCE en Europe et la Fed aux États-Unis n’ont pas encore fini de relever les taux d’intérêt. La Fed a toutefois annoncé récemment qu’elle envisagerait une pause dans les hausses de taux lors de sa réunion de juin et qu’elle augmenterait à nouveau les taux d’intérêt lors de sa réunion de juillet. S’agira-t-il de la dernière hausse de ce cycle ? Certains éléments plaident en faveur de cette hypothèse. En Europe, cependant, la BCE est plus en retard que la Fed. Et cette dernière a commencé à réagir à la hausse de l’inflation plus tardivement. Par conséquent, la BCE cessera probablement de relever ses taux plus tard que la Fed. Néanmoins, nous pensons – sur la base des indications que les banquiers centraux ont données aux marchés – que le plus gros du chemin est derrière nous et que nous approchons du pic des taux d’intérêt.

2. Les taux d’intérêt ont-ils atteint un niveau tel que les obligations redeviennent attractives ?

Pendant plus de dix ans, les obligations ont été une classe d’actifs très exigeante, créant du rendement principalement en raison de la baisse continue des taux d’intérêt. Il y a seulement 15 mois, le rendement des obligations d’État allemandes à 10 ans était négatif. Les paiements de coupons semblaient être un phénomène d’un passé lointain. Aujourd’hui, les Bunds allemands ont un rendement de 2,3 % et les obligations d’État italiennes à 10 ans (BTP) de plus de 4 %. C’est une bonne nouvelle pour les investisseurs obligataires. Toutefois, en termes réels, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, les obligations d’État continuent d’afficher des rendements négatifs.

En raison de la forte hausse des taux d’intérêt, l’année 2022 a été l’une des pires pour les investisseurs obligataires. Aujourd’hui, avec des rendements positifs et des taux directeurs qui devraient atteindre leur niveau maximum dans un futur proche, les obligations sont redevenues un investissement à considérer. En raison de leur avantage en termes de rendement par rapport aux obligations souveraines, nous préférons les obligations d’entreprises. En particulier en ce qui concerne les obligations d’entreprises européennes, la prime de risque offerte est attrayante par rapport aux moyennes à long terme. Dans le même temps, les risques de crédit semblent gérables. Les taux de défaut pourraient augmenter dans certains secteurs (par exemple, l’immobilier). Malgré la hausse des taux d’intérêt, le ralentissement de la croissance et l’augmentation du coût des intrants, l’agence de notation S&P s’attend par exemple à ce que le taux de défaillance des obligations européennes à haut rendement augmente assez modérément, passant de 2,8 % (mars 2023) à 3,6 % en mars 2024. Mais les perspectives générales restent plutôt solides.

3. La dette publique élevée des pays développés va-telle peser sur les marchés ?

Les gouvernements des pays développés souffrent tous d’un endettement élevé. Les décideurs politiques ont lancé de généreux programmes d’aide suite aux événements extraordinaires qui ont secoué le monde, comme la pandémie de COVID-19 ou la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Sans ces programmes, les ménages, les artisans, les indépendants et les entreprises auraient été plus durement touchés par les conséquences économiques liées aux confinements et restrictions.

Aux États-Unis, la dette publique s’élevait à 25 100 milliards de dollars fin 2022, le ratio dette/PIB atteignant 121,2 %. Dans la zone euro, la dette publique s’élevait à 12 200milliards d’euros fin 2022 et le ratio dette/PIB à 91,6%, selon Eurostat.

Il est vrai que ce chiffre est bien supérieur à la limite de 60%du PIB que les gouvernements européens avaient autrefois fixée comme seuil pour leur dette publique dans la zone euro. Mais la hauteur elle-même ne nous inquiète pas outre mesure, car cette dette a été justifiée par une série d’événements exceptionnels. L’augmentation des emprunts a probablement permis d’éviter une grave récession dans les pays développés. Aujourd’hui, cependant, il devient de plus en plus important de réduire cette dette par une politique budgétaire disciplinée et de contrôler les dépenses publiques de manière à ce qu’elles renforcent l’économie de leurs pays.

4. Les marchés actions sont-ils surévalués ?

Selon nous, suite à la récente hausse des marchés, les actions, en particulier aux États-Unis, ne sont plus bon marché. En outre, la tendance des bénéfices s’affaiblit quelque peu en raison de l’inflation élevée et d’une possibilité de récession. L’inflation semble avoir atteint son pic. Néanmoins, l’inflation de base reste obstinément élevée, ce qui pourrait nécessiter un resserrement à plus long terme de la politique monétaire et constitue donc également un risque pour les bénéfices. Et enfin, la stabilité des banques présente toujours un risque.

Dans cette situation contrastée, nous continuons à sous-pondérer légèrement les actions dans notre allocation d’actifs. Les marchés restent vulnérables, d’autant plus que les valorisations sont redevenues plus exigeantes. Les rendements attrayants des marchés obligataires nous aident à mettre en œuvre notre stratégie actuelle.

5. Les investisseurs devraient-ils détenir des actions liées à l’IA dans leur portefeuille ?

L’intelligence artificielle (IA) est plus que jamais présente dans l’esprit du public. La présentation de ChatGPT en novembre 2022 a montré comment les ordinateurs pourraient dans le futur utiliser l’IA pour rédiger des textes de manière autonome. L’année dernière, les investisseurs en bourse ont évité les valeurs technologiques, considérées comme très sensibles à la hausse des taux. Cette année, une grande partie de la hausse de l’indice S&P 500 peut être attribuée aux entreprises technologiques, qui ont bénéficié de la fin attendue des hausses de taux ainsi que de l’enthousiasme suscité par les innovations en matière d’IA.

Nous apprécions la montée en puissance de l’IA et de la numérisation en tant que tendance de fond sur les marchés financiers. L’IA modifie les modèles d’entreprise, la façon dont nous travaillons et dont nous utilisons la créativité humaine. Du point de vue des marchés financiers, il est important de garder le sens des proportions. L’IA et la numérisation entraîneront aussi bien des gagnants que des perdants sur les marchés financiers.

Les grandes entreprises technologiques comme Microsoft (qui a investi dans OpenAI) ou Amazon (environnement optimal pour l’IA : données, nuage, base d’utilisateurs), ainsi que les plus grands fabricants de puces au monde (par exemple, TSMC), sont susceptibles de tirer parti de l’IA. Chaque modèle d’entreprise doit être apprécié individuellement. Une sélection minutieuse des titres et une approche d’investissement disciplinée sont essentielles pour investir dans l’IA.

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