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Laurent Denize, Co directeur des investissements, ODDO BHF AM.

Nous repondérons les marchés émergents et notamment la Chine compte tenu des valorisations attractives et d’une accélération attendue de la croissance.

Comme le souligne Bruno Cavalier dans son dernier « Point de Vue Macro-économique », l’économie mondiale envoie des signaux contradictoires. En Allocation d’Actifs, notre rôle, rappelons-le, est de prendre des décisions de gestion en fonction de l’environnement macroéconomique, de données micro-économiques mais aussi de ce qu’on appelle globalement le « Momentum ». Dans ce vocable, nous englobons des données de flux d’investissement, des données alternatives, techniques, positionnement, sentiment ou autres …

Verre à moitié vide

Disons-le en préambule, nous avons choisi notre camp et la balance penche du coté négatif. Au niveau mondial, la croissance économique en Chine a ralenti vers 5 %, aux États-Unis à moins de 2 % et l’Europe entame un début de contraction. Il est donc possible que la croissance mondiale passe en dessous du seuil de 2 % qui de définit une récession classique. Nous n’en sommes pas là, mais la trajectoire récente à moins de 3% au 3eme trimestre n’est pas de bon augure.

Historiquement, l’augmentation du chômage est le principal facteur de ralentissement de l’activité économique. Si celle-ci n’est pas visible dans les pays développés, il suffit de s’adresser aux 11,6 millions de nouveaux diplômés en Chine pour comprendre. En avril, le chômage des jeunes Chinois âgés de 16 à 24 ans a atteint un niveau record de 20,4 %, soit près du double du niveau de 12 % atteint avant la pandémie. L’arrivée cet été sur le marché du travail des millions de jeunes de la « promotion 2023 » ne fera qu’aggraver une situation qui pourrait mettre en péril le « pacte social » prôné par le gouvernement. Mais la Chine n’est pas la seule concernée. Parallèlement à la contraction de son économie, l’Allemagne a par exemple également vu son taux de chômage augmenter de 0,7%.

A quoi nous attendre ?

Si l’économie mondiale se trouve au début d’une récession classique, nous devrions observer :

  • Des prix du pétrole et des métaux en baisse, ce qui est précisément le cas.
  • Une évolution sans tendance des prix du marché High Yield, ce qui est précisément le cas.
  • Une sous-performance des secteurs sensibles à l’économie, ce qui est précisément le cas.
  • Des indices actions globalement en baisse, ce qui n’est pas le cas.

Un début d’explication d’indices actions globalement en hausse provient de la performance spectaculaire des « magnificent 7 » : Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta, et Tesla dont la capitalisation combinée est aujourd’hui de 11000 milliards de dollars. La surperformance enregistrée par ces 7 valeurs peut continuer pendant un temps, mais même le secteur technologique n’est pas immunisé contre la récession, et encore moins contre la hausse des taux. Par ailleurs, le Nasdaq a annoncé qu’il réduirait la pondération des MegaCaps dans le Nasdaq100 afin d’éviter une trop grande concentration. A ce titre, il sera intéressant d’observer comment le prix de ces actions va évoluer jusqu’au rebalancement de l’indice (24 juillet) et si d’autres fournisseurs d’indices vont suivre. Cela rappelle le plafonnement de DeutscheTelekom dans le DAX en 2000…

Jusqu’à présent, les signaux de décélération mondiale ont principalement un lien avec la Chine, comme en témoigne la sous-performance des métaux et des matières premières industrielles. Mais dans les mois à venir, la faiblesse ne sera plus le fait de la Chine, mais des économies développées. En effet, la croissance chinoise devient préoccupante au point que le gouvernement devrait intervenir plus significativement avec des mesures de relance pour défendre le plancher de croissance de 5 % qu’il s’est fixé. A contrario, le dogmatisme des banques centrales à vouloir lutter contre une inflation qu’elles ont tardé à prendre en considération peut précipiter les économies développées vers une récession de faible ampleur.

Nos convictions en termes d’allocation d’actifs

Les conséquences de ce changement de paradigme sont importantes pour l’allocation future de vos actifs.

Nous vous livrons nos convictions pour cet été :

  1. Nous recommandons une légère souspondération des actions en raison des répercussions économiques négatives du resserrement des conditions de crédit sur les marchés développés (Europe et US). Un ralentissement économique devient plus probable à mesure que les indices PMI se détériorent. Dans ce cadre, nous privilégions une rotation des actions dont les valorisations sont onéreuses vers des actions décotées mais bénéficiant de fondamentaux et de perspectives de croissance raisonnables. Nous repondérons les marchés émergents et notamment la Chine compte tenu des valorisations attractives et d’une accélération attendue de la croissance.
  2. Certaines entreprises pourraient subir des pressions sur les marges car les augmentations de prix devraient rester limitées dans un environnement de demande plus faible alors que les augmentations des coûts fixes, en particulier ceux liés à la main d’œuvre, restent élevés. Dans ce cadre, le secteur du luxe reste privilégié.
  3. La prudence reste de mise en ce qui concerne le risque de crédit, en particulier pour les entreprises à fort effet de levier, le risque de stabilité financière se traduisant par une offre de crédit plus restrictive. Nous sommes très prudents à l’égard du secteur immobilier surendetté. Seules les obligations de duration courte (limite de maturité 5 ans) permettent d’offrir un couple rendement / risque attractif avec un portage confortable.
  4. Il convient de surveiller activement l’assèchement potentiel de liquidité sur le marché, les banques centrales réduisant leurs bilans, et les volumes d’émission attendus du Trésor américain devant être absorbés dans les mois à venir. A ce titre, nous prenons des profits sur la dette périphérique et accentuons notre sous-pondération.
  5. Le risque d’une erreur de politique monétaire a augmenté. En effet, le système financier et l’économie sont vulnérables. Les banques centrales doivent par ailleurs trouver un équilibre entre l’objectif de stabilité des prix et la stabilité des marchés financiers dans le contexte d’une transmission accélérée de la politique monétaire. Il faut rajouter de la duration dans les portefeuilles. Nous favorisons la dette allemande et américaine de maturité 5-7 ans. Il est trop tôt pour jouer la repentification des courbes de taux.

Conclusion

Les chocs concomitants d’offre et de demande des dernières années ont temporairement cassé les corrélations historiques entre croissance, chômage et inflation et continuent de perturber la lecture de notre environnement tant macro que micro-économique. A ce stade, les chefs d’entreprise que nous accompagnons ont un discours qui reste très constructif et peu en adéquation avec la détérioration récente des indicateurs macro-économiques. La saison des résultats va déjà nous donner une première indication de la tendance des marges et bénéfices par action et une infirmation ou confirmation qu’un processus de normalisation est en marche.

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