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Dans son nouveau livre, Possible, l’expert en énergies renouvelables Chris Goodall décrit un scénario probable de la transition énergétique. ​

Par Pictet Asset Management.

La transition énergétique sera alimentée par une croissance continue et rapide de l’éolien et du solaire, combinée à l’utilisation de batteries et d’hydrogène. Cela est essentiel pour «passer au tout électrique», pas uniquement pour le chauffage et le transport terrestre.

La bonne nouvelle, c’est que 80% de la transition énergétique est déjà possible avec la technologie actuelle. Mais il reste de nombreux problèmes d’envergure.

Faire correspondre l’offre et la demande en électricité

Tout d’abord, il y a la question de l’intermittence et de l’imprévisibilité de l’approvisionnement en énergie éolienne et solaire. Dans certains pays, les batteries pour stocker l’électricité pendant la nuit suffiront. Mais dans une grande partie du monde, le stockage tampon pourrait être fourni par l’hydrogène. Lorsque l’énergie est abondante, des électrolyseurs la transforment en hydrogène. Cet hydrogène vert peut ensuite être stocké dans des grottes souterraines et utilisé pour produire de l’électricité lorsqu’elle se fait rare. Le H² jouerait ainsi un rôle central dans la transition, mais avant d’y arriver, cette solution doit devenir suffisamment abordable pour être réalisable sur le plan financier.

Transport

Ensuite, il y a ensuite la question du transport. Nous nous sommes habitués à l’électrification des voitures, des trains, des vélos et même des bus. Mais il y a d’autres problèmes importants.

Prenons l’aviation. L’hydrogène et l’ammoniac, qui peut être utilisé comme source d’hydrogène pur, ne seront probablement pas adaptés à l’aviation, mais au transport maritime. L’industrie aéronautique devra plutôt jeter son dévolu sur du carburant synthétique pour avions à base d’hydrogène. Mais cela coûtera probablement beaucoup plus cher que le carburant conventionnel et nécessitera de grandes quantités d’électricité (pour l’hydrogène) et de capture de dioxyde de carbone (pour le carbone). Et c’est sans tenir compte de l’effet sur le réchauffement climatique provoqué par les traces de vapeur laissées par les avions.

En ce qui concerne le transport maritime, bien que l’ammoniac soit peut-être moins cher que le méthanol, ce dernier a le vent en poupe dans les concepts de navires «à double carburant», notamment parce qu’il est plus facile à utiliser. Les utilisateurs pionniers pourront fabriquer du méthanol à partir de déchets organiques. Mais cette source va s’épuiser et la production de masse de méthanol dépendra de la capture du carbone à très grande échelle.

Enfin, pour les poids lourds, on a longtemps cru que les piles à combustible à hydrogène seraient la source d’énergie. Mais les améliorations apportées aux batteries, et l’impact réduit de leur poids, signifient que la plupart des fabricants parient sur l’électricité pour remplacer le diesel.

Industrie

Les applications industrielles sont une source importante de gaz à effet de serre, et les progrès y sont souvent lents. Les secteurs de l’acier, du ciment, des hautes températures, du plastique, de l’habillement et de l’agriculture nécessitent tous des efforts considérables.

L’hydrogène semble pouvoir remplacer le charbon dans la sidérurgie primaire. Mais il n’est pas clair si l’industrie dispose du capital pour concrétiser ce changement. Une solution pourrait être de déplacer la production d’acier vers des pays capables de produire de l’hydrogène à bas prix grâce à une électricité bon marché, comme l’Australie et la Suède.

Les fabricants mondiaux de ciment choisissent des approches très différentes. L’entreprise de matériaux de construction Heidelberg mise principalement sur le captage et le stockage du carbone. D’autres partent du principe que des alternatives au ciment réduiront les émissions de CO2 du processus de fabrication. Quoi qu’il en soit, la fiscalité du CO2 aura un impact disproportionné sur l’industrie en raison de ses fortes émissions de CO2.

Des secteurs tels que la céramique et la fabrication de papier sont capables de produire 1 000 °C en utilisant de l’électricité. Certaines entreprises suivent cette voie, tandis que d’autres commencent à investir dans l’hydrogène. Mais comme la combustion de l’hydrogène génère moins de chaleur, il n’est pas autant adapté que le gaz naturel pour la céramique. Parallèlement, l’électricité pourrait ne pas être en mesure de fournir les températures encore plus élevées requises pour la production de céramique.

L’industrie pétrolière est convaincue que la demande pétrochimique restera soutenue, même si les volumes vendus au secteur du transport commencent à baisser. Et l’histoire leur donne raison, alors que l’économie moderne dépend de plus en plus des plastiques à usage unique. La décarbonation des plastiques nécessitera une combinaison de retraitement efficace (recyclage chimique), de réduction massive des quelque 10 000 types de plastique actuels, d’une plus grande durabilité et de systèmes de collecte efficaces.

Pratiquement aucun vêtement n’est recyclé et la quantité produite continue d’augmenter. Le nombre de fois qu’un article est porté avant d’être jeté a diminué de 20% dans le monde entier entre 2000 et 2015. L’empreinte carbone de l’habillement est souvent très forte. L’industrie devra passer à des matériaux plus vertueux, tels que le chanvre, et intégrer une durabilité et une recyclabilité beaucoup plus élevées dans ses produits. Cette évolution se traduira entre autres par une rétraction de l’industrie de l’habillement si la décarbonation devient une priorité sociale plus élevée qu’aujourd’hui.

Selon certains calculs, un quart des émissions sont imputables à l’agriculture. La majeure partie provient de l’élevage, qui est également responsable, directement et indirectement, d’une grande part de la déforestation. Le monde va-t-il réussir à développer des substituts à la viande à faible teneur en carbone qui sont à la fois bon marché et dont le goût plaira aux clients?

Infrastructure

Les réseaux électriques du monde entier auront du mal à faire face à l’expansion de l’offre qui sera nécessaire pour alimenter l’électrification des autres secteurs, ni à l’évolution des zones d’approvisionnement et de demande en électricité. Ce constat est bien compris. Toutefois, les gouvernements, les régulateurs et les opérateurs de réseaux électriques hésitent toujours à élaborer des programmes de construction et de modernisation des réseaux avant que la capacité ne soit nécessaire.

Pénuries

Très régulièrement, la panique s’installe dans le monde concernant la disponibilité de métaux nécessaires à la transition. L’année dernière, par exemple, il s’agissait du lithium. À l’exception de l’iridium (pour les électrolyseurs PEM), ces matériaux ne manqueront éventuellement pas. Toutefois, l’expansion de la demande de métaux cruciaux créera probablement des cycles de hausse et de baisse des prix au moins aussi importants que ceux que nous connaissons pour les combustibles fossiles.

Plus généralement, la transition exigera que le monde augmente considérablement les investissements dans la réduction du carbone en pourcentage du PIB. Combien d’argent supplémentaire sera-t-il nécessaire et d’où proviendra cet argent? Et surtout, comment les pays les plus pauvres auront-ils accès aux capitaux nécessaires?

Soutien des électeurs

La décarbonation est aujourd’hui généralement considérée comme particulièrement coûteuse pour les personnes les plus pauvres dans le monde entier. De nombreux leaders politiques de droite ont donc choisi de s’opposer à l’accélération de la transition. Donald Trump a déclaré qu’il annulerait la loi de réduction de l’inflation du président Joe Biden, un programme massif de réduction des émissions de carbone mis en place par l’IRA. L’extrême droite française a formulé des intentions similaires à celles de dirigeants de pays aussi divers que l’Australie et l’Argentine. Le risque que la transition vers la neutralité carbone soit bloquée par les politiciens ne peut pas être ignoré.

Rétention du carbone

Le monde aura inévitablement besoin d’une grande capacité de captage du carbone. Bien que la production d’électricité à partir de carburants fossiles risque de cesser en grande partie, le ciment et d’autres industries continueront probablement de produire du CO2. L’agriculture est également difficile à décarboner complètement. Comment des gigatonnes de carbone seront-elles capturées et stockées, soit à partir de processus industriels, soit directement à partir de l’air?

Et comment réinjecter au mieux dans le sol le carbone extrait de l’air. Ces techniques vont de l’agriculture «régénératrice» à l’épandage de minuscules particules de basalte à la surface du sol ou à l’ajout de charbon vert. Tous ces éléments peuvent être utiles, mais nous ne savons pas encore précisément quelle solution sera la plus efficace et la moins chère ou dans quelle mesure le secteur agricole sera affecté.

Dans l’ensemble, des progrès considérables ont été réalisés sur la voie de la décarbonation. Mais les derniers 20% de ce parcours sont néanmoins parsemés d’embûches.

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