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La permanence d’une inflation trop élevée a bouleversé le scénario de baisse de taux aux Etats-Unis et déboussolé le marché obligataire, augmentant sa volatilité.  La BCE pourrait rapidement abaisser ses taux jusqu’à 3 %, la FED adopté une politique plus prudente.

La nervosité est palpable. La question est dans toutes les discussions :  combien de baisses de taux la Réserve fédérale va-t-elle pouvoir offrir en 2024 ? Début janvier, experts et économistes comptaient sur environ 6 à 7 baisses de taux. Au fil des semaines, les anticipations ont été sans cesse revues à la baisse. Aujourd’hui, le chiffre est tombé à une ou deux, et même pour quelques-uns, aucune.  

Ragaillardi et enthousiasmer par la baisse de l’inflation fin 2023 puis démoralisé par la résilience de l’inflation et les espoirs de baisse de taux, le marché obligataire a raté son début d’année. Les rendements ont joué au yo-yo. De 4 % en début d’année, le rendement de l’obligation d’Etat américaine s’est électriser pour remonter en flèche et culminer à plus de 4,7 % avant d’osciller à présent autour de 4,45 %. Le marché continue d’évoluer aux perspectives d’inflation, surveillée comme le lait sur le feu par la banque centrale américaine.

Depuis le début d’année, l’inflation Outre-Atlantique a refusé de suivre le scénario d’un retour progressif vers 2 % imaginé par la Fed. 

Mais, la publication du chiffre de l’inflation d’avril (publiée le 14 mai), avec un taux de 3,4 % contre 3,5 % attendu, a ravivé les espoirs d’un premier assouplissement monétaire aux Etats-Unis à l’automne. 

Pascal Gilbert, dont le fonds DNCA Invest Alpha Bonds applique une gestion obligataire multi-stratégies,  réalise un début d’année assez positif (+2,49 % contre 1,2 % pour sa catégorie) estime : «  une baisse des taux  en dollar apparait envisageable en juillet si les risques d’inflation s’atténuent,  ou encore si l’économie montre des signes de faiblesses. Ou les deux. Mais dans les deux cas, je pense que d’autres baisses seront décidées avant la fin d’année. L’impact du programme économique du nouveau président sera ensuite déterminant. Donc a priori, on peut s’attendre à deux baisses de taux en 2024 minimum, en y incluant celle de juillet. »

De son côté Christopher Dembik de Pictet AM explique : « les attentes du marché monétaire concernant une possible baisse des taux par la Fed en septembre se sont renforcées. Attention toutefois, rien n’est joué. Le marché de l’emploi est encore loin d’être en phase de refroidissement. L’attitude la plus sage pour la Fed est d’opter pour le statu quo à court terme, y compris en juin. »

Horizon plus dégagé en zone euro

Tout est plus clair en zone euro, grâce à une inflation mieux maitrisée (2,4 % en avril), une désynchronisation des politiques monétaires entre les deux blocs euro et dollars est devenue réelle. Les observateurs entrevoient le scénario d’un décalage entre l’assouplissement monétaire américain et celui de la Banque centrale européenne, le premier intervenant après le second. Avec en corollaire, le risque de voir l’euro fléchir face au dollar avec un écart de rendement qui devient plus favorable au billet vert. « La situation économique en Europe diffère de celle des Etats-Unis et justifie une réponse différente de la BCE. Il n’y a pas de loi indiquant que la Fed doit toujours bouger la première, et tout le monde après elle. Notre scénario est le même depuis plusieurs mois :  une baisse de 100 bps (1 %) en cumulé en Euro pour arriver à 3 %. L’inflation devrait rester proche de 2% en 2025. Il faudrait une récession pour pousser la BCE à baisser sous 3 %, » raconte Philippe Gilbert qui ajoute : « Nous ne comptons pas sur un cycle classique de réduction des taux d’intérêt, mais un ajustement progressif des taux, une régulation après la période des taux zéro ».

 Aujourd’hui le marché table sur des niveaux d’inflation de 3 % en 2025. « Dans ce contexte, en imaginant que des futurs signes de faiblesse dans l’économie américaine finiront par apparaitre, être rémunéré aujourd’hui à 5 % à deux ans en dollar est attractif, » affirme Pascal Gilbert.

Cette résilience de l’inflation américaine est à chercher dans les secteurs des services et de la santé, encore en mode rattrapage dans la fixation de leurs prix. En général, une hausse des taux doit finir par tempérer la croissance économique sur le simple effet du renchérissement du cout du crédit. Actuellement, la robustesse des investissements d’infrastructures contribue à la force du PIB américain. Une bonne solution pour loger son épargne dans le marché obligataire en dollars, sont les obligations inflation (TIPS) 2,2 %, ce taux est augmenté du taux d’inflation constaté chaque année.

« Je pense depuis quelques semaines que la FED baissera une première fois ses taux en juillet et si elle ne le fait pas, cela peut devenir ennuyant. Car la réunion suivante est en septembre, une date déjà un peu trop proche de celle des élections présidentielles. Sa seule porte de sortie pour les prochains mois est donc juillet. Mais une inflation sous 2 % reste un mirage pour cette année, » juge le gérant.

Les autres dollars…

Un autre dollar, le canadien, profite de la bonne santé du prix des matières premières. Le Canada est un pays peu endetté contrairement aux Etats-Unis. Le dollar canadien est une alternative au dollar US.  Le dollar néozélandais et australien peuvent l’être aussi. Car les déficits entretenus dans certains pays peuvent devenir un point noir. Mais il est encore difficile d’affirmer que ces autres devises sont des alternatives ou des satellites au dollar US. Cependant, je considère l’AUD (dollar australien) et le NZD (dollar néo-zélandais) apparaissent dans une trajectoire économique positive pour surperformer le dollar américain, dès lors que la FED commencera à baisser ses taux.

Craintes sur les déficits

Enfin, en zone euro, le niveau des endettements et les déficits de certains grands pays zone sont devenus aussi préoccupant. Dans le fond DNCA, une position vendeuse sur les obligations longues d’état allemande et française a été ouverte face aux risques de l’endettement élevé de la France et l’Italie.

Mais Pascal Gilbert tempère. Après la confirmation du Rating de la France, le problème du déficit a été mis un peu en suspens. Le résultat des élections européennes et le mandat qui sera donné par les états à la nouvelle commission sont à garder au coin de l’œil.  Si la politique envisagée par Emmanuel Macron gagne, les taux longs monteront un peu. En revanche, dans une autre politique économique avec moins de relance européenne, la dette française risque de subir plus d’attaques des marchés et si le redressement des finances publiques ne s’opère pas plus vite.

Daniel Pechon

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